LA SÉCURITE PSYCHOLOGIQUE
« La sécurité psychologique est une condition dans laquelle vous vous sentez :
-
Inclus
-
En sécurité pour apprendre
-
En sécurité pour contribuer
-
En sécurité pour remettre en question le statu quo, le tout sans crainte d'être embarrassé, marginalisé ou puni d'une manière ou d'une autre » [1]
Lorsque la sécurité psychologique est élevée, les individus sont plus motivés et autonomes, ce qui se traduit par un apprentissage et une résolution de problèmes plus rapides. Lorsqu’elle est faible, les individus sont bloqués pas la peur : ils se referment sur eux-mêmes, s’auto-censurent et dirigent leur énergie vers la gestion des risques relationnels et la préservation de leurs intérêts personnels[2].
Une bonne sécurité psychologique est donc exigeante en termes de qualité relationnelle au sein de l’équipe et de l’ambiance de travail. Il faut un manager qui soit capable de rassurer et de fédérer le groupe, de donner confiance à chacun, et qu’il transmette l’envie d’évoluer et de contribuer. Pour cela, le manager doit adopter une attitude cohérente avec ces buts, et avoir suffisamment de sécurité intérieure pour accueillir les remises en question et les confrontations, sans avoir peur de perdre son autorité.
Le projet Aristote[3], lancé par Google en 2012, a eu pour objectif d’analyser le fonctionnement et les performances de 180 équipes, afin de déterminer les facteurs-clés qui caractérisent une équipe hautement performante. Pendant trois ans, cette équipe de recherche a mené des sondages, conduit des entretiens et étudié de nombreuses données statistiques. Leurs résultats ont montré que réunir des personnes très compétentes ne garantit pas la performance, que le style de gouvernance n’y suffit pas non plus, et plusieurs indicateurs semblaient même se contredire… Ils ont cependant identifié deux points communs que les équipes très performantes possédaient :
-
Chaque membre de l’équipe avait, à la fin de la journée, à peu près la même durée totale de temps de parole
-
Chaque groupe avait un haut niveau de sensibilité sociale, c’est-à-dire une capacité à percevoir l’état émotionnel de leurs membres.
« Le paradoxe est que la collecte intensive de données et le traitement des chiffres par Google l'ont conduit aux mêmes conclusions que les bons managers ont toujours connues : Dans les meilleures équipes, les membres s'écoutent mutuellement et font preuve de sensibilité envers les sentiments et les besoins ». (Duhigg 2016)
Ce n’est qu’après être tombé sur les recherches d’Amy Edmonson (une des précurseurs des recherches sur la sécurité psychologique), que les choses sont devenues réellement claires pour Google : Comment faire pour avoir des équipes ultra-performantes ? Installer de manière systématique de la sécurité psychologique. Ce qui n’était pas une mince affaire pour de nombreux chefs de projets et managers de Google, qui avaient fait des études d’ingénieur et qui étaient souvent bien plus à l’aise avec les mathématiques qu’avec les relations humaines…
COMMENT IMPLÉMENTER LA SÉCURITÉ PSYCHOLOGIQUE ?
Concrètement, il s’agit de créer des conditions de travail, d’instaurer une culture d’entreprise qui apporte un haut niveau de confiance et de sécurité entre ses membres. L’attitude du manager est donc fondamentale. Nous allons voir ci-dessous comment installer la sécurité psychologique :
1. L’appartenance :
Le manager doit inclure chaque membre de l’équipe et chacun doit se sentir appartenir au groupe. Pour faire cela, le manager doit commencer par analyser ses tendances à exclure certaines personnes. Si c’est le cas, selon quels critères ? Quels sont ses jugements ?
Se sent-il supérieur à certains employés ? Et si oui, pourquoi ?
Est-il capable de montrer de l’appréciation, de la gratification à chacun de ses employés, de façon égale et bienveillante ?
C’est par une attitude égale et bienveillante envers chacun que le manager permet à chacun de se sentir inclus. Il veillera de plus à la cohésion du groupe, en rappelant les règles relationnelles si besoin et en proposant des actions pertinentes en cas de problèmes (espaces de parole, médiation, etc.).
2. Apprendre en sécurité :
Ce deuxième point est plus exigeant que le premier, car il implique des niveaux de respect et de permission qui vont au-delà de la sécurité d'être inclus. Le processus d'apprentissage implique plus de risques, de vulnérabilité et d'exposition potentielle aux préjudices sociaux et émotionnels. Lorsque la structure (que ce soit à la maison, à l’école ou en entreprise) punit plutôt qu'elle n'enseigne, les individus sont plus souvent sur la défensive, perdent leur capacité à réfléchir, à s'évaluer, à se structurer et à se corriger.
Un manager ne peut instaurer une culture d’apprentissage saine que s’il préserve la vulnérabilité de ses collaborateurs, en adoptant des réponses émotionnellement bienveillantes et cohérentes. Les employés observent en permanence la façon dont le manager réagit face aux désaccords ou aux problèmes. Lorsqu’il écoute avec attention, répond de manière constructive et exprime régulièrement de la reconnaissance, il crée un climat où chacun peut se sentir en sécurité, même dans l’échec ou l’erreur. Dans un tel environnement, les personnes gagnent en confiance, osent davantage s’ouvrir, apprennent de leurs expériences, s’ajustent naturellement et deviennent plus curieux.
3. Contribuer en sécurité :
Si vos coéquipiers vous acceptent, vous bénéficiez de la sécurité de l’appartenance. Si vous vous entraînez intensément, vous bénéficiez de la sécurité dans l’apprentissage. En revanche, si vous ne participez jamais aux matchs, vous ne bénéficiez pas de la sécurité des contributeurs. (Clark 2020, p.66)
Dans cet exemple, on voit qu’appartenir au groupe et apprendre en sécurité ne suffit pas. Il faut pouvoir apporter sa pierre à l’édifice, il faut pouvoir contribuer.
Contribuer en sécurité n’est pas un droit automatique comme les deux points précédents, mais c’est On passe de l’apprentissage à l’autonomie responsable, où le respect et la confiance sont conditionnés par les compétences et les résultats obtenus. Ce processus se passe naturellement : Quand un individu sait faire quelque chose, il veut le faire lui-même. Si le leader constate alors qu’il fait trop d’erreurs, il va lui demander d’apprendre encore avant de pouvoir réessayer. Il y a donc un équilibre fin à trouver entre assurer la sécurité, donner de l’autonomie et garantir de bonnes conditions pour implémenter les acquis dans la pratique.
Dans une entreprise, si un nouveau concurrent arrive avec de meilleurs produits pour le même prix, elle va devoir réagir, et par instinct de survie, celle-ci va devenir innovante et créative, c’est . Malheureusement, même si des employés auraient eu des idées innovantes à partager avant que l’environnement ne l’exige, il est souvent beaucoup plus sécure émotionnellement de maintenir le statu quo, plutôt que de proposer des évolutions qui risquent de déplaire au chef ou aux collègues. , à contrario, demande suffisamment de sécurité, de temps et d’ouverture d’esprit, pour pouvoir proposer des changements et instaurer des innovations avant d’être « au pied du mur ».
Il s’agit donc pour le manager de poser des questions ouvertes et réflexives, d’écouter attentivement les réponses, de stimuler des analyses et des réflexions, et d’être ouverts au fait que des idées géniales puissent venir de tout en bas de la hiérarchie. Dans un tel environnement, chaque individu peut apporter sa contribution et faire partie du changement, ce qui augmente sa motivation et son implication.
4. Challenger en sécurité :
Résumé en une phrase, il s’agit d’assurer le droit de chacun à s'exprimer ouvertement sur n'importe quel sujet, à condition qu'il ne lance pas d'attaques personnelles et qu’il n'ait pas d'intention malveillante. Pour passer de contribuer en sécurité (point 3) à celui de Challenger en sécurité (point 4), il faut franchir le « seuil de l’innovation » : Transformer un environnement généralement dominé par la peur en un espace de confiance maximale. Les risques perçus sont en effet nombreux : s’exposer à la critique, échouer, prendre des initiatives, montrer sa vulnérabilité, craindre de ne pas être accepté ou encore ressentir de la douleur — le tout sans garantie de succès. Le rôle du manager est alors déterminant : il doit montrer l’exemple en faisant preuve d’humilité et d’une réelle capacité à se remettre en question. Une telle culture d’entreprise encourage la prise de risques, la remise en question et favorise l’expression transparente des difficultés rencontrées. Cela permet à l’équipe d’être plus créative, plus innovante et très performante. Les relations interpersonnelles sont authentiques et bienveillantes. Enfin, cette sécurité psychologique et relationnelle à son plus haut degré apporte de profondes satisfactions et un grand enthousiasme à ses membres.
Résumé et inspiré du livre de CLARK, Timothy : The 4 Stages of Psychological Safety
[1] CLARK, Timothy R., 2020. The 4 Stages of Psychological Safety: Defining the Path to Inclusion and Innovation. Oakland (CA) : Berrett-Koehler Publishers. Éd. Kindle.
[2] EDMONDSON, Amy C., 2014. Building a psychologically safe workplace [vidéo]. Publiée le 4 mai 2014, dans Mossavar-Rahmani Center for Business & Government, Harvard Kennedy School. Disponible sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=LhoLuui9gX8
[3] DUHIGG, Charles, 2016. What Google Learned From Its Quest to Build the Perfect Team. The New York Times Magazine, 25 février 2016.