Article sur le « Voice Dialogue », une méthode qui nous invite à explorer nos différentes parts intérieures.

 

Vous l’aurez certainement remarqué, on n’est pas toujours très cohérents… Nous avons tout un monde riche et varié qui s’agite à l’intérieur de nous, sans qu’on en soit toujours conscient, qui nous pousse parfois dans des directions complètement opposées. Peut-être que parfois on se demande même s’il l’on n’est pas un peu schizophrène…  Par exemple, je peux dire à ma compagne : J’ai eu trop de choses aujourd’hui, j’ai besoin d’être seul pendant une heure… !  Et un quart d’heure après je retourne la voir… Une part de moi a besoin de solitude, et peu après, c’est une autre part de moi, qui a besoin de lien et de compagnie qui prend le dessus.

Parfois, une part de moi aime rester tranquille à la maison, à flâner, allongé sur mon canapé ou alors à regarder une série… Je l’appelle « le chiller » (de l’anglais to chill, se relaxer, se détendre). Une autre part de moi me dit alors souvent : « Arrête, fais quelque chose d’utile, regarde ce que tu laisses traîner depuis des mois… ! ». C’est le pusher, la part qui me pousse à toujours faire plus, à faire bon usage de mon temps. Et il y a encore une autre part de moi qui aime le travail bien fait et adore arranger les détails… : « Le perfectionniste ».

Quand une part de moi est très forte, par exemple le pusher, la part opposée (le chiller dans l’exemple ci-dessus) va probablement s’effacer complétement. Si je ne prends pas conscience que ma vie est en grande partie dirigée par cette part qui me pousse sans cesse à faire plus, mieux et dans tous les détails possibles (le pusher associé au perfectionniste) je risque de finir épuisé ou malade. C’est alors la maladie qui m’obligera à me reposer, à laisser le pusher de côté pour découvrir la partie plus cool, le chiller, et avec lui pourront se présenter d’autres parts : peut-être celle qui ressent, celle qui respecte le rythme naturel du corps, des parties plus spirituelles, bref, des aspects de mon être qui n’avaient pas la place pour s’exprimer avant.

On le voit dans cet exemple, nous sommes souvent composés de parts dominantes, avec l’inconvénient de ne pas (ou peu) avoir accès aux parts opposées, qui restent alors dans l’ombre. Mais l’avantage dans la vie, c’est que si vous avez une part dominante très forte, vous aurez certainement plein de signes ou d’événement qui vont se présenter à vous, pour vous inviter à intégrer la part d’ombre que vous avez délaissée, voire refoulée… Voici une liste non exhaustive de ces signes :

  • Le jugement : On juge très durement les gens qui portent nos parts très refoulées. Si je pense de quelqu’un : « Quel égoïste ! », je porte un jugement négatif envers une personne qui s’autorise à penser à elle, à se mettre en premier. Je porte donc certainement une part altruiste très forte, en refoulant ma part égoïste. Si j’intègre ma part égoïste et l’accepte entièrement, j’aurais alors plus de choix et de possibilités. Plutôt que de répondre de façon altruiste de manière automatique, je pourrais alors choisir d’agir selon ce qui est le plus adapté à la situation, librement et sans jugements. Nos jugements sont donc chaque fois des invitations à explorer quelle partie de nous nous refoulons.
  • Le couple : De par mon éducation, j’ai une part forte d’organisateur et de planificateur. Comme par hasard, j’ai rencontré une femme très libre, spontanée et insouciante. Ces qualités qui m’ont beaucoup séduit au début (séduisante parce que complémentaire…), peuvent parfois devenir les mêmes aspects qui m’agacent. Parce que je suis fortement identifié à mon organisateur et parce que je n’ai pas complètement intégré mes propres parts libre, spontané et insouciant.
  • La dynamique familiale : Si un père (ou une mère) est très autoritaire et rigide, il y a des chances qu’un de ses enfants fasse exactement la même chose, et qu’un autre soit très rebelle et très libre. Un des enfants manifestera les qualités opposée, liées aux parts refoulées de son parent
  • Les rêves : ils sont aussi très souvent porteurs de nos parts refoulées. Posez-vous la question si vous faites un rêve significatif : Quelle part de moi est-ce que cette personne, ce lieu ou ces circonstances expriment ? Une figure négative dans le rêve, qui me fait peur ou qui me fait mal, représente certainement une part de moi refoulée, que j’ai de la peine à intégrer ou à accepter. Il y a donc un grand potentiel d’évolution pour nous, si l’on peut aborder les rêves comme des indicateurs de parts à intégrer (nos ombres selon C.G. Jung).
  • Nos symptômes physiques expriment parfois des aspects de notre être qui n’ont pas voix au chapitre. Il peut être très intéressant d’aller explorer ce que dit un symptôme. Par exemple, en écoutant un mal de ventre chronique, on trouvera peut-être une part de nous qui a souffert d’un manque de douceur et d’amour depuis longtemps…
  • Enfin, les comportements sous stupéfiants représentent une autre possibilité de voir nos parts refoulées. Quand nos parties contrôlantes et bien-pensantes sont endormies par l’alcool ou d’autres drogues, il arrive que d’autres parts refoulées se manifestent librement. Je me rappelle en Inde, la violence de certains invités lors de mariages ou de soirées arrosées. Ces gens, si calmes, qui acceptent apparemment très bien des situations parfois très dures, deviennent subitement incontrôlables. Il y a fort à parier que leurs parts révoltées ou frustrées trouvent enfin un moment et un espace pour s’exprimer.

Il y a un « effet élastique » : Plus on va loin dans une polarité (par exemple la non-violence), plus il y a un risque que la part opposée, la violence, ait été refoulée et se manifeste à notre insu. Je l’ai vu dans certains mouvements porteurs de grands idéaux et très bien intentionnés, qui se retrouvent à agir à l’interne de façon totalement incohérente, à l’inverse de leurs valeurs (c’est la part collectivement refoulée).

Ainsi en explorant mes différentes parts intérieures (mes dominantes et mes parts opposées), je peux devenir comme le directeur général qui réunit ses différents managers : Il les écoute attentivement, donne de l’attention à chaque opinion, puis décide quelle est la meilleure décision à prendre. Le petit chef qui auparavant prenait toujours le dessus et influençait systématiquement le directeur (le pusher dans l’exemple du début), redevient un chef normal, avec la même importance que les autres. Le directeur peut alors décider, en toute conscience et en ayant accès à toutes ses ressources, quelle est la meilleure option à prendre.

Je vous invite donc à observer, dans votre quotidien, s’il y a un petit chef intérieur qui prend trop souvent le lead et si c’est le cas, demandez-vous : Quelles autres parts de moi aimeraient s’exprimer ? En apprenant à regarder et écouter nos parts opposées (un peu à l’image de l’oiseau en photo ci-dessus), et même s’il y a parfois de l’inconfort à cela, il y a beaucoup à gagner en termes de liberté, de créativité et de conscience.

Yann Chappuis

Le 19 août 2023